Les deux valises

(Voyage avec Jacques Prévert)

Il a sorti les deux valises

L’orange et la bleue 

Celles qui ont les dimensions

Pour aller dans les cabines

Des avions des vacances

Ou ne pas prendre trop de place

Dans le coffre de la voiture

Il a ouvert la fermeture-éclair

De l’orange, celle de sa femme

Dedans il y avait un livre

Un guide touristique

Avec des photos

De paysages balayés par le vent

De ports à marée basse

De bras de mer à marée haute

De phares, de goélands

De bateaux de pèche

De maisons en pierre

Couvertes de lierre et de glycines

Des photos d’idées

Pour aquarelles

Il a feuilleté le livre

Puis a pris le plumeau

Dépoussiéré la valise

Remis le guide touristique

Et refermé la tirette

Il a ensuite ouvert l’autre valise

La bleue, la sienne

Dedans il y avait un livre

Avec en couverture

Un monsieur à casquette

Cigarette au bec

Qui donnait envie de fumer

Il est descendu dans la cuisine

Pour lire un peu avec un café

Il a mis le café

Dans la tasse

Il a mis le lait

Dans la tasse de café

Il a mis le sucre

Dans le café au lait

Il a tourné les pages

Il a lu des textes par ci, par là

Comme ça, dans le désordre

Il en connaît quelques uns

Quasi par cœur

Mais quand il les relit

C’est toujours la même émotion

Comme la première fois

C’était au Collège

Il entend encore son vieux prof

La voix cassée par le tabac

Il a allumé

Une cigarette

Il a fait des ronds

Avec la fumée

Il a mis les cendres

Dans le cendrier

Posé sur le pupitre

À côté du livre

Qu’il avait ouvert au hasard

Pour lire un texte bizarre

Une sorte d’inventaire

Une pierre

Deux maisons

Trois ruines

Quatre fossoyeurs

Un jardin

Des fleurs

Un raton laveur

Quand la tasse fut vide

Il a refermé le livre

Il a monté l’escalier

Comme dans un rêve

Il grimpait le sentier qui menait

À la maison du poète

À Omonville-la-petite

Où il avait acheté

Ce livre magique

Il s’est alors souvenu

De la photo avec Prévert

Rencontré en chemin

Les oiseaux chantaient dans les arbres

Ne t’occupe pas d’eux

Avait murmuré le poète

Moi je les regarde

Je les laisse faire

Tous les oiseaux font de leur mieux

Ils donnent l’exemple

Arrivé à l’étage

Il a pris le plumeau

Dépoussiéré la valise

Remis le livre dedans

Et refermé la tirette

Il a branché l’aspirateur

Nettoyé le cagibi

Et rangé les deux valises

Jusqu’à un prochain voyage

En vrai ou en

Paroles

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