En fait, des bâtons de marcheur, j’en ai deux. Un chrétien, une vieille branche de noisetier décorée aux couleurs bleu-blanc-rose de Nivelles, ma ville natale, qui m’accompagne chaque année à l’automne pour le Tour de Sainte-Gertrude, un pèlerinage que je ne raterais pour rien au monde. Au bout d’une quinzaine de kilomètres dans les campagnes et labourés, quand le Tour s’achève sur la Grand-Place de la ville, on grave au canif un cran dans ce bâton et j’en suis à mon 56ème. C’est mon bâton de pèlerin (voir mon billet du 28/09/2018). Mon deuxième bâton est une solide branche de bouleau de mon jardin. Un jour, au retour d’un voyage à Fez au Maroc, je l’ai décoré de motifs africains, de dromadaires, serpents et girafes pyrogravés. Pourquoi ? Euh… pourquoi pas ? C’est mon bâton de mécréant, de maréchal, de sorcier, de randonneur. Il traîne dans un coin de mon garage et je l’emporte au gré de mes envies de balades.
Je l’examine par hasard aujourd’hui et je détaille ses nombreux dessins. Ils me font rêver. Ce bâton m’a déjà accompagné dans quelques belles randonnées dans les Ardennes, en Normandie, dans le Périgord, dans le Gard, au Grand-Duché de Luxembourg, en Alsace, … mon esprit vagabonde avec lui d’un pique-nique en bord de Semois à une bière sur une berge de Moselle, d’une terrasse ombragée de Dordogne à la fontaine d’Uzès. Je rêve, je rêve assis dans mon living mais à travers la vitre, le soleil m’appelle. Et si je partais sur les chemins de campagne de Pont-à-Celles, ma commune, avec mon bâton ? Aussitôt dit, aussitôt fait. J’ai emprunté des sentiers que je ne connaissais pas, du côté de Buzet, et après avoir quitté les coins habités, j’ai fait quelques rencontres. Des belles mais pas que, des tristes aussi.
J’ai d’abord vu un coquelicot solitaire. Le seul sur mes 6 km de balade, c’est peu alors qu’il me semble qu’avant les talus en étaient couverts. Mais nous ne sommes qu’au début de la saison.
J’ai vu ensuite deux papillons blancs – deux âmes humaines réincarnées paraît-il – qui fricotaient dans les bouquets de roquette sauvage.
Plus loin, dans un chemin embusqué, j’ai été surpris par une chouette qui m’a suivi d’arbre en arbre pendant au moins 200 mètres, j’ai tenté de la photographier mais elle ne s’est pas laissé tirer le portrait comme je l’aurais souhaité.
Arrivé en rase campagne où l’on pourrait croire que jamais rien ne se passe, j’ai vu un couple assassiné, deux renards morts de mort violente parce qu’ils avaient croisé un fusil ou une boulette empoisonnée. C’est triste deux vies anéanties sous un ciel sans nuages livrées aux mouches. Mais les alouettes des champs n’en ont rien à secouer, elles grisollent, tirelirent et turluttent tout là-haut.
Je continue ma randonnée et m’agenouille sur le chemin à la sortie du champ pour admirer les jolies couleurs d’une Vanesse du chardon (je crois) qu’on appelle aussi Belle-dame mais méfiante, elle s’envole très vite.
Je marche, je marche encore et laisse le vent léger me caresser le visage. Il ne souffle pas très fort mais assez cependant pour semer à tout vent les akènes des pissenlits qui poussent en pagaille sur les talus. Les quoi ? Les akènes ou fruits secs indéhiscents, à une seule graine… (définition Larousse, bien sûr). Je serai assez rapide toutefois pour saisir un pissenlit intact juste avant que les siens ne soient soufflés.
Au terme de ce magnifique chemin de campagne, un panneau me ramène à la réalité, la maison et le confinement. Je serre mon bâton et le remercie de m’avoir invité à cette promenade bien réelle, loin de mon sofa.








