Blues sous le cerisier

Munster, Alsace, Noël 2013. Froid de canard, tourbillons de neige, personne dans la rue à part nous deux. Dans leurs nids sur les toits, les cigognes résistent. Moi, je grelotte et j’ai le blues. Nous partirons dès que nous aurons terminé nos courses pour le pique-nique du retour. Je suis triste de rentrer car j’aime beaucoup cet endroit et le vieil hôtel où nous venons depuis quelques années va fermer, les patrons sont trop âgés et n’ont pas trouvé de repreneurs.

Comme d’habitude, Marie-Thérèse traînaille dans les magasins, je la houspille car la route va être longue et périlleuse, la neige s’accumule sur le sol. Elle me demande de patienter encore quelques minutes « j’ai vu un beau plat en céramique », je retourne pour la énième fois dans le coin des cartes postales et des livres-cadeaux, ces bouquins pleins de belles photos et de phrases souvent philosophico-cucul.

Mais… j’en achète un quand même. Il est beau, doré comme une boule de Noël, agréable au toucher et la quatrième de couverture annonce qu’il « s’adresse à chacun d’entre nous qui traversons des moments difficiles… » Cela me parle en ce moment et le titre me touche : Demain est un autre jour (éd. Exley)

Obaix, mon jardin, Pâques 2020. Soleil estival, cerisier en fleurs, pas un bruit sauf quelques mésanges et chardonnerets affairés à la mangeoire. Ils m’emmerdent. Je m’ennuie, j’ai le blues. Autour de moi, le décor est magnifique mais inutile. À quoi bon cette pelouse bien tondue, ce ciel bleu, ces arbres blancs et roses… le jardin est vide. Pas de ballon de foot roulant dans les parterres de tulipes, pas d’œufs en chocolat cachés dans les haies, pas de cris ni de querelles pour un accroche-pied. Oui, j’ai le blues du papi confiné.

Hier circulait sur Facebook un post listant les « points positif » du coronavirus: c’est bien pour l’environnement, pour la solidarité, patati et patata.  Il mentionnait, entre-autres, qu’il rapproche les familles. Ah bon ? Oui, d’accord, il confine les enfants et les parents ensemble (ce qui est heureux pour beaucoup mais pas tous, les violences conjugales et familiales sont, en effet, en hausse) et il éloigne les petits-enfants de leurs grands-parents. Oh ! je sais ce n’est pas le problème le plus grave de cette période difficile et c’est une mesure indispensable pour le bien de tous. Je sais, je sais, mais il y a des jours, aujourd’hui en particulier, où cette séparation est pénible. Pâques, dans beaucoup de familles, c’est la fête des retrouvailles après l’hiver, la chasse aux œufs dans les jardins de campagne des grands-parents pour ceux qui ont la chance d’en avoir, c’est la balade à pieds ou à vélo dans le village, c’est les gâteaux et les bulles de champagne pour les adultes et de cidre pour les gamins.

Cette année, Pâques est tout ça… moins les retrouvailles, les œufs, le vélo, les gâteaux et les bulles. Allez, non, on partagera quand même ma femme et moi quelques chocolats et coupettes. Mais ça n’aura pas le même goût.

Pour effacer ma morosité, j’ai retrouvé le livre, jamais lu mais juste feuilleté, acheté à Munster il y a 6 ans. Et j’y trouvé ces mots réconfortants : « Ça passera comme le reste (…) lorsque les événements sont particulièrement pénibles, voire tragiques, ou lorsque tout va pour le mieux (…) répète en toi-même ces quelques mots. Ils te permettront de remettre les choses à leur place, ils t’aideront à reconnaître ce qui est bon et à supporter ce qui va mal ». (Claire Rayner)

Je ne connais pas cette auteure mais un coup d’œil sur internet m’apprend qu’elle a vécu de 1931 à 2010 et qu’elle fut infirmière, femme de lettres britannique et courriériste du cœur dans de grands journaux londoniens.

Deux mots m’interpellent, « infirmière et cœur« , il n’y a pas de hasard. Je retrouve le moral, cela ira mieux demain. Bon confinement et courage à tous.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s