De ma chambre au 23ème étage de l’Hôtel Barclay, je contemple Central Park. En bas, dans la 5th Avenue, la foule s’agglutine, c’est aujourd’hui le Marathon de New-York 1982. 14000 coureurs vont traverser The Big Apple et plusieurs millions de spectateurs vont les applaudir. Tout à l’heure, je descendrai me fondre dans la foule compacte en bas de l’hôtel et j’irai, moi aussi, les encourager. Une heure ou deux plus tard, avec Pol qui m’accompagne, on est comme des sardines, « ah oui qu’est-ce qu’on est serrés… », dans la masse sur le trottoir.
Les premiers coureurs arrivent, c’est incroyable, leurs pas résonnent sur le bitume et le bruit de leur respiration me parvient malgré les cris des supporters. Je n’en connais aucun, l’athlétisme et moi ça fait deux, mais impossible de résister à la ferveur et l’enthousiasme qui nous enflamment de partout. Des pelotons passent devant nous maintenant, ils occupent toute la largeur de la grande avenue et soudain dans le paquet, j’aperçois un participant en chaise roulante à laquelle est accroché un drapeau belge. « Allez les Beeelges ! » le cri m’échappe. Et résonne aussitôt à mes côtés. Mon voisin dans ce magma humain répète en écho « Allez les Beeelges »… Surpris, je me retourne et n’en crois pas mes yeux. Juste à coté de moi, épaule contre épaule, pas de distanciation sociale en ces temps heureux, un copain de pub, Michel Goldblat, copywriter dans une agence concurrente à Bruxelles. Le milieu de la pub bruxellois de cette époque était un petit village, je dirais même une grande famille (de frères ennemis souvent) où tout le monde se connaissait et s’appréciait plus ou moins. Michel dont j’enviais la plume car il était alors un des meilleurs sinon The Best de notre profession, était de ceux que j’appréciais.
« Mais sacré Mich, qu’est-ce que tu fous ici ? On ne se voit jamais à Bruxelles et voilà qu’on se rencontre parmi la plus grosse foule du monde aujourd’hui ». Il m’explique alors qu’il vient souvent à New-York visiter sa famille car il a vécu sa jeunesse ici (mais ce dimanche, il ne visitera personne car on traînera après le marathon dans quelques bars à The Village).
« Et toi et Pol, qu’est-ce qui vous amène ici ? ». Nous, on est venus pour un tournage et des photos en Floride, Pol Vercheval qui m’accompagne est un grand photographe. Et on en a profité pour passer le week-end à New-York. C’était le début des années 80, quand il y avait encore de l’argent et du glamour dans ce qu’on appelait la pub et pas encore la com.
Mais pourquoi illustrer ce voyage-souvenir d’une photo de persil ? Parce que cette histoire m’est revenue en mémoire ce matin quand j’en ai cueilli quelques branches pour l’osso bucco que je vais préparer pour ce soir. J’étais, en effet, parti là-bas en mission pour la marque de lessive Persil.
* Malgré ce souvenir heureux, j’ai une pensée émue pour mes amis de New-York et d’ailleurs aux USA où le Covid-19 sème actuellement aussi le malheur. « Protect yourself my friends ! »

