C’était au temps où les marchés de Noël n’étaient pas encore des festivals de la bière et de la grande bouffe. C’était au temps où il neigeait encore en hiver.

Je me promenais dans les magnifiques cloîtres de la Collégiale de Nivelles à l’abri des flocons où quelques artisans, c’était au temps où il y en avait encore de vrais, exposaient leurs réalisations sur des tables à tréteaux prêtés par la Ville pour ses premiers marchés de Noël. Il y avait dans un coin une céramiste qui se mit à l’aquarelle plus tard et qui squatte aujourd’hui le deuxième étage de ma maison. Et dans un autre, complètement à l’opposé, près de la grande porte d’entrée une petite demoiselle qui exposait des bijoux en pâte Fimo.

Il y avait toujours du monde autour de sa table car elle en créait aussi sur place. De ses doigts magiques naissaient des marquises, des soubrettes, des arlequins, des clowns ou des fillettes échappées des livres de la Comtesse de Ségur. Montées en petites broches, ses créations se vendaient comme des petits pains et coûtaient à peine plus cher. Ses clientes étaient pour grande partie des amies collégiennes, mais parfois – rarement – elle daignait façonner pour un copain un porte-clefs ou un joueur de foot aux couleurs de son club au prix fort, bien entendu, d’un ou deux éclairs au chocolat.

Ses profits allaient dans un coffret en bois pour être ensuite réinvestis dans l’achat de pâtes de toutes les couleurs ou économisés pour le grand voyage de fin d’humanités, un tour d’Italie, qu’elle ferait avec ses amis de classe quelques années plus tard.

Pour moi, elle avait créé un clown marrant que j’ai épinglé à ma grosse veste d’hiver. Je l’ai toujours dans mon tiroir à souvenirs, c’est un talisman, un porte-bonheur. Tiens, je me demande si je ne vais pas l’épingler aujourd’hui à mon pull troué de jardinier confiné pour conjurer le Covid-19.

À propos, le prénom de cette petite demoiselle est Laurence et c’est ma grande fille ❤️