L’escalier en colimaçon qui descend à la plage est raide, notre hôtel est au dessus de la falaise. Chaque matin, après le petit-déjeuner, nous le descendons prudemment, nous tenant fermement à la rampe en fer forgé accrochée au rocher. En bas, une longue promenade en bord de plage nous conduit à la petite ville de Cefalù.
En ce début de juin, les touristes ne sont pas encore là en masse. Le soleil est généreux sans être brûlant et les mouettes qu’on qualifie de rieuses tournoient bruyamment autour des deux petits chalutiers qui rentrent d’une nuit poissonneuse. Nous irons tout à l’heure au marché de l’autre côté de la Porta Pescara, il y aura de l’animation et du bonheur autour des étals bien garnis.
Mais tout d’abord, nous grimperons le grand escalier de la cathédrale-forteresse au centre de la ville. Je ne suis pas très chrétien mais en vacances les églises m’attirent. Sans doute plus pour la fraîcheur et les chefs d’œuvre d’art religieux qu’elle offrent que pour y prier. Cependant, les quelques vieilles dames en noir agenouillées sur les bancs cirés qui égrènent leur chapelet en marmonnant des “Ave, o Maria, piena di grazia, il Signore è con te… » m’invitent sinon à l’adoration du moins à la méditation. Je me sens bien, serein, heureux d’être là dans le silence avec Marie-Thérèse. La Sicile lui va bien et à moi aussi.
Après notre recueillement, nous irons sous les parasols de la petite place au bas des escaliers et nous prendrons deux cafés. D’abord un petit serré pour le tonus et puis un americano ou un lungo pour rester encore un bon moment à l’ombre avec un journal ou un livre.
Ce matin-là, après le tour du marché, nous avions planifié de flâner dans les boutiques du Corso Ruggero, l’artère principale du quartier historique pour quelques achats de « souvenirs » et petits cadeaux pour nos enfants et petits-enfants. Je vois encore la vieille échoppe cachée dans une ruelle donnant sur le corso où l’on vendait des objets dits artisanaux dont ces deux mini-chalutiers-voiliers que je contemple aujourd’hui dans l’armoire-vitrine qui encombre le palier du deuxième étage de notre maison.
Et je me souviens.
C’était le 8 juin 2011, en revenant à l’hôtel, nous nous sommes arrêtés sur la plage pour une heure ou deux de transat. À peine assis, le bip bip de ma messagerie tremblotte dans ma poche. Je regarde mon Nokia et je lis : « Cyril est né, il hurle sa joie de vivre ». Nous sommes grands-parents pour la troisième fois. Nous avons soudain hâte de retrouver notre Belgique pluvieuse.
Autour de nous, il me semble que les mouettes sont encore plus rieuses que ce matin.
